Make or Buy ?

Le " MAKE or BUY " ? voila une question que beaucoup de direction achats, voire de direction d'entreprises se posent, et doivent se poser... Dans le contexte actuel "post Covid", cette question d'un point de vue stratégique reste essentielle. 
Traduit en français, cela veut tout simplement dire: "fabriquer ou acheter ?" . N'importe qui aura compris je pense le sens de ce concept, mais pour l' Acheteur de 2022 cela revêt une autre dimension liée directement à l'indépendance !

ManoMano's “make or buy” decision grid | by Pierre FOURNIER | ManoMano Tech  Team | Medium 

 Pour rappel le "make or buy ?"est l'internalisation Vs l'externalisation. Comme tout bon réducteur de couts, l'Acheteur et surtout la direction achat, mettent en balance ces 2 options qui leurs sont offertes, appartenant intrinsèquement à la stratégie globale de l'entreprise. La logique économique voudrait que l'on tende à externaliser telles ou telles activités, par souci de charges d'exploitation, pesant sur le bilan de l'entreprise. Mais aujourd'hui, à l'heure de la désindustrialisation du pays, de la relocalisation, du réchauffement climatique, du bilan carbone, des ruptures de chaine d'approvisionnements, des pandémies, de guerres  militaires et économiques ... Cette stratégie d'externalisation à outrance, poussée toujours plus par une logique financière omnipotente, est depuis de nombreuses années, remise en question par des écologistes convaincus, mais aussi par de nombreux économistes. Aujourd'hui, en plus du caractère de non sens qui prévaut dans ce concept d'externalisation forcenée, réside un autre point central pour les entreprises 2.0... C'est l' Indépendance.

Durant la pandémie (et ce n'est pas fini), tout le monde a pu voir la faiblesse et la fragilité des supply-chains mondiales, à fournir le monde entier en masques et autres matériels médicaux. Et que penser de la pénurie de certains composés stratégiques, entrant directement dans la fabrication de l'aspirine par exemple ?? Cela créerait énormément de doute dans la tête de nos concitoyens, si habitués à tout trouver tout de suite, partout, et en abondance, si demain on leur apprenait qu'en plus des pénuries alimentaires à venir, liées à tels ou tels événements géopolitiques internationaux, (l'huile de tournesol par exemple), il n'y aura plus d'aspirine du tout en pharmacie !

Cela peut être considéré comme un détail pour beaucoup, car l'humanité durant son histoire, a connu bien des pénuries, et malgré tout, elle a su s'adapter et prospérer. Dans les départements achats, on parle souvent du taux de dépendance à surveiller comme "le lait sur le feu" vis à vis de tels ou tels fournisseurs plus ou moins stratégiques; mais quand cela touche aussi frontalement votre cœur de métier, vos approvisionnements, votre image de marque, votre santé économique, financière, vos clients même ... on peut se demander si l'externalisation forcenée, n'est pas plus un facteur de risque pour les entreprises 2.0 qui prônent l'agilité en tout sens, qu'un avantage concurrentiel ?

So what ? que faire ? qui commande ? ....  J'ai bien une petite idée sur la question 😛

Néanmoins, cette question est tellement cruciale à mon sens pour la direction d'entreprise, qu'il convient de se la poser ! surtout dans un contexte mondial très incertain ! Est-il encore judicieux d'avoir des supply-chains de plus en plus étendues et de surcroit tendues ?  est-il cohérent par souci d'économie et à l'heure du réchauffement climatique, d'avoir des fournisseurs situés à l'autre bout de la planète ? Est-il sain pour une entreprise liée au domaine de la santé par exemple, d'externaliser une partie de son cœur de métier ? Si l'on ne possède pas en interne les ressources humaines et technologiques pour produire telles ou telles commodités, ne serait-ce pas plus pertinent d’acquérir en interne ces compétences manquantes, ou à fortiori de trouver des sources d'approvisionnements locales, régionales, nationales ? Quitte à investir en recherche et développement ? plutôt que de "compter" sur un sous-traitant chinois par exemple ? qui au moindre soubresaut pourra mettre en péril votre politique d'approvisionnement...

Et quid de la responsabilité des entreprises vis à vis des états/nations ? Il est vrai que donner une nationalité à une entreprise aujourd'hui est devenu difficile, pourtant il subsiste encore quelques "champions" clairement affiliés à tel ou tel pays, par exemple NOVARTIS pour la Suisse etc... Mais cela tend à devenir de moins en moins évident du fait de la présence de ces grands groupes sur tous les continents; d’où l'expression de "firmes multinationales". De part leur présence mondiale, elles peuvent s'affranchir des lois étatiques, nationales,parfois même du droit international, souvent inapplicable dans telle ou telle situation. Devant certains vides juridiques, ce qu'il faudrait ce sont des gardes-fou, et les gouvernements ou institutions internationales normalement, devraient jouer ce rôle de régulateurs, de juges et arbitres... Il y a bien le FMI, l'OMC etc... mais quand on voit certains abus, force est de constater leur impuissance voire leur inefficacité.

Mais quand il en va de la souveraineté même des états, de leur sureté, ne faudrait-il pas que les gouvernements interviennent ? Pendant le Covid, les états on été capables de prendre des mesures drastiques pour endiguer la pandémie, ils ont donc la possibilité de le faire ! Quand certains composants touchant directement à l'indépendance du pays, et donc à sa souveraineté, sa liberté ! il devient alors impératif pour l'état d'intervenir, de réglementer et de réguler l'activité économique. Aux USA par exemple, Donald Trump durant son mandat, sur fond de Covid et de guerre économique avec la Chine et l'Europe, a fait du protectionnisme américain, le fer de lance de sa politique économique étrangère.

En conclusion car il y aurait énormément à dire sur le sujet, derrière cette question complexe du "make or buy"?, se cache bien souvent l'indépendance et à contrario la dépendance politico-industrielle à telle ou telle source d'approvisionnements, émanant de tels ou tels pays, amis ou ennemis... Il faut de plus, s'attacher aux caractéristiques des commodités achetées ! A savoir, que plus la commodité revêt un caractère critique et donc stratégique pour une entreprise et de surcroit pour un pays, plus la question de fabriquer en interne ou d'externaliser doit se poser. Le cas d'Alstom... que dis-je ? L'AFFAIRE ALSTOM ! est à mon avis extrêmement parlant en terme de souveraineté énergétique et militaire.

Pour conclure donc, dans un monde avec des économies globalisées, interdépendantes, et un contexte d'escalade militaire grandissant, tout bon décideur économique, politique... s'apparente aujourd'hui de plus en plus à un joueur d'échec, à un équilibriste, tant ce concept de "make or buy" touche à la géopolitique.

 

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