Théorie des parties prenantes et RSE

On peut donc s’intéresser maintenant aux parties prenantes, plus connues en anglais sous le nom de « stakeholders ». Les parties prenantes de l'entreprise regroupent l'ensemble de ceux qui participent à sa vie économique (salariés, clients, fournisseurs, actionnaires), de ceux qui observent l'entreprise (syndicats, ONG), et de ceux qu'elle influence plus ou moins directement (société civile, collectivité locale...)... Le terme de « stakeholder » est difficile à traduire en français; l’usage est de le traduire par « parties prenantes », ce qui gomme l’opposition fondatrice entre « stakeholders et stockholders » (actionnaires). Certains lui préfèrent alors «parties intéressées» ou « porteurs d’enjeux », voire « ayant-droit ». Rappelons tout d’abord brièvement la généalogie de la notion de parties prenantes. Si cette notion est évoquée par des chercheurs dès les années soixante au moins, c’est avec l’ouvrage fondateur de Freeman (1984 : Stakeholder Theory of the Modern Corporation) qu’elle acquiert ses lettres de noblesse. Cet ouvrage constitue indubitablement le point de départ de la théorie des parties prenantes.

Schéma 1 : modèle de l’entreprise en termes de parties prenantes:

RSE et théorie des parties prenantes : les impasses du contrat


Schéma 2 : les parties prenantes de premier et de second rang:

La « théorie » des parties prenantes: gouvernance élargie ...

La notion de partie prenante se construit pour une large part dans une opposition à l’idée que les actionnaires sont les seuls envers qui l’entreprise a des responsabilités et donc des comptes à rendre. Dès lors, la question centrale de la théorie des parties prenantes est : envers qui est-elle responsable et de quoi ? (…) « Par ailleurs, l’environnement n’est plus conçu sur un mode essentiellement concurrentiel et marchand et la théorie des parties prenantes ambitionne de dépasser une vision étroitement économique de l’entreprise et elle invite à prendre en compte des variables sociopolitiques dans l’analyse stratégique. Elle prône ainsi une vision assez ouverte de l’entreprise, dont les frontières avec l’environnement et la société seraient non plus stables et bien tranchées, mais mouvantes et susceptibles de négociations et de redéfinitions. » (RSE et théorie des parties prenantes : les impasses du contrat- Didier Cazal - 2011)
Pour Evan et Freeman, l’entreprise doit être re-conceptualisée autour de la question suivante : « au profit et aux dépens de qui la firme doit-elle être gérée ?»
En résumé, l’entreprise subirait des influences internes et externes, en terme de pouvoir de décision, et les actionnaires ne seraient plus les seules parties prenantes traditionnellement prépondérantes dans ce système économique. En effet, l’introduction de la RSE dans les entreprises, a fait que celles-ci doivent dorénavant aussi rendre des comptes à la société dans son ensemble.
« La théorie des parties prenantes part du principe que l’entreprise ne devrait pas uniquement être attentive à ses actionnaires mais bien à l’ensemble des catégories d’acteurs avec lesquels elle est en relation. Sur la base d’un contenu normatif fort, cette théorie est devenue une des pierres angulaires de la RSE et s’est affirmée comme un courant théorique majeur pour appréhender l’entreprise et, de manière générale, l’organisation.» (Benjamin Huybrechts, Parties prenantes)
C’est donc bien le jeu d’influences entre les différents acteurs qui permet à une pratique de se développer. Par exemple de nos jours, la société civile et donc les clients (consommateurs finaux), sont demandeurs de produits (ou services) durables, de produits dits « verts ou bio », c’est un fait ! Ce sont ces parties prenantes externes qui vont en amont dès la conception du produit, influencer « le comportement de l’entreprise » et améliorer la RSE. On parle alors d'écoconception. L’entreprise influencée en amont, va reporter cette demande en interne, qui sera à nouveau répercutée sur les fournisseurs,… C’est l’effet dominos en quelque sorte. C’est ce jeu d’influences entre les différentes parties prenantes gravitant autour, et présentes à l’intérieur de l’entreprise qui est intéressant. En effet, c’est cela même qui va engendrer par exemple, le développement d’une politique d’achats durables au sein des entreprises.
« Dans tous les cas, le développement d'un écosystème durable ne peut passer que par un partage des mêmes valeurs entre les différents membres que sont les partenaires internes et externes. La création de la valeur repose bien sur un partage de valeurs communes. » (De l'acheteur au leader for extended development (LED) – Décision-Achats 2014)
Il faut alors un lien fort entre l’interne et l’externe, une volonté commune, un seul et même fil conducteur, pour voir l’émergence des achats durables possible. Le rôle de l’acheteur est donc crucial dans ce jeu d’influences, car il est « le maillon » qui va justement faire le lien entre l’interne et l’externe.
« Une entreprise ne peut fonctionner en autarcie et dépend de son environnement économique et social qui constitue son écosystème : on connait bien sûr les dépendances économiques à la "Porter", vis-à-vis de ses clients/consommateurs, de ses actionnaires, de ses fournisseurs, de ses distributeurs, mais aussi de plus en plus de toutes les autres parties prenantes, pas seulement les ONG, mais aussi les écoles et universités, qui forment leurs employés localement, les collectivités locales et communautés où sont implantées les principaux actifs de l’entreprise, les partenaires publics ou privés en termes de technologies, de services… » (Touche pas à mon écosystème! lecercle.lesechos.fr)
Dès lors on peut se demander dans la théorie des parties prenantes, quel est l’acteur qui va vraiment influencer les entreprises pour développer une politique d’achats durables ? Qui tient les manettes ? Qui a le pouvoir de décision et d’influence ? A regarder ce jeu d’influence de plus près on a l’impression que c’est un peu l'effet dominos, et chaque partie prenante a un rôle important a joué dans le développement durable notamment… Chaque acteur qu’il soit économique, social, politique, institutionnel, civil, éducatif,… a une certaine forme de responsabilité en la matière, et peut par une certaine forme de pression, exercer une influence sur les entreprises. Finalement le développement durable ainsi que la RSE en entreprise, sont des enjeux d’ordre globaux, où chacun a un rôle à jouer dans ce concept… En parlant de pression, on ne peut passer à côté de la question des lobbies, et la démission politique récente de Nicolas Hulot en dit long sur le sujet. En  effet, le mot lobby veut dire groupe de pression en français, ce qui a le mérite d'être très clair! Le rôle des lobbyistes est bien d'influencer, d'exercer une pression d'ordre économique, politique, etc... sur les autres acteurs notamment politiques afin de défendre leurs propres intérêts. Mais ont-ils les mêmes intérêts que le reste de la société? Pas si sûr! Pour preuve la puissance des lobbies américains, avec en tête de gondole, celui des armes à feu avec la National Rifle Association (NRA), celui des hydrocarbures, du tabac etc... Dans ces cas de figure, on voit clairement et uniquement que des intérêts privés. Cette question des lobbies est cruciale, car c'est un état dans l'état. En effet très discrets sur leurs agissements et même sur leur existence, ce manque de transparence complètement assumé, tiens bien souvent les populations civiles, écartée des lieux de prises de décision. Cette opacité complète, et les méthodes utilisées, pour la majorité des personnes, peut être apparentée à une certaine forme de corruption. D'ailleurs ils sont présents là exactement où le pouvoir y est exercé! Une telle coïncidence ne peut être le fruit du hasard; d'ailleurs nous concernant, ils sont présents et très actifs au sein même des institutions européennes à Bruxelles... Malheureusement autour de cette question des lobbies, demeure trop souvent un halo de mystère, et il faudrait des chapitres entiers pour traiter ce sujet. Toutefois ces pratiques existent bel et bien, et les grandes entreprises internationales, en sont les premières utilisatrices. A partir de là, on se rend vite compte que les grands groupes internationaux, sponsorisés par les grandes banques, sont avec leurs puissances financières phénoménales, la partie prenante qui dicte ses règles aux autres membres de la société. En effet dans un monde ultra libéral, celui qui possède l'argent, possède le réel pouvoir. Alors que dire de ceux ou celles qui ont le pouvoir de créer la monnaie? « Comment satisfaire à la fois les actionnaires et la société civile ? Comment diminuer le risque d’une réputation dégradée, même si parfois cette dégradation résulte de facteurs émotionnels et subjectifs non conforme à la réalité ? Comment créer une valeur globale – économique, sociale, sociétale et environnementale ? Comment concilier profit et bien commun et ainsi devenir légitime du point de vue de la société et de son environnement ? Telles sont les principales questions auxquelles une entreprise décidée à s’engager dans le développement durable doit faire face.» (Olivier Dubigeon, mettre en pratique le développement durable). 

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