Du « Cost Killer au Business-Partner »

Dans le chapitre précédent, on a vu que le rôle des achats de par leur position dans l’entreprise, n’est pas si simple en réalité. De plus, certains stéréotypes subsistent toujours, malgré les années et l’évolution du métier. En effet « l’acheteur moderne » reste objecté en priorité sur la réduction des coûts. D’ailleurs l'étude HEC-ECOVADIS de 2013, ci-dessous, tend à le démontrer :



Le principal objectif confié aux acheteurs reste la réduction de coûts, et cela à hauteur de 71% pour les entreprises interrogées en 2013. Ces chiffres traduisent la méconnaissance d’une fonction qui est encore trop souvent considérée comme le bras armé de la réduction des coûts, c’est la fameuse image du « cost killer » qui prévaut.
D’après Hicham Sebti : « Dans l’esprit de l’individu, son environnement se trouve fractionné en catégories sociales distinctes. Si une telle catégorisation est incontournable pour évoluer dans le monde social, elle repose sur une simplification de la réalité. Cette simplification se traduit notamment par le fait que l’individu estime que chaque personne appartenant à une catégorie sociale possède une série d’attributs stéréotypiques (Tajfel, 1972). (…) Dans la pratique de leur métier, les acheteurs semblent souffrir d’un manque de reconnaissance concernant leurs apports jugés marginaux et accessibles à tous. Nous verrons que leur catégorie sociale est associée à des attributs stéréotypiques négatifs. (…) L’acte d’achat est associé à une impression de facilité puisque pratiqué par chacun, au quotidien, quand on ‘’négocie 10% chez son garagiste’’. Il ne nécessiterait donc pas de compétence particulière, et chacun serait en mesure d’acheter, sans avoir recourt à l’acheteur. Ce dernier perd ainsi la légitimité que lui confère sa compétence particulière, celle d’être spécialiste du processus achats. Une impression de facilité aussi parce que, comme l’indique Gérard (ancien directeur des achats dans les services environnementaux), l’acte d’achat, et donc de dépense, est perçu comme étant plus facile à accomplir que d’autre activités organisationnelles comme la production ou la vente. Finalement, si on est capable d’accomplir des tâches difficiles (produire ou vendre), on est tout aussi capable d’accomplir des tâches faciles (acheter). Cette impression de facilité conduit à une dévalorisation du rôle des acheteurs et affecte leur légitimité.»
Force est de constater que l’acheteur souffre non seulement d’une méconnaissance de par sa fonction dans l’entreprise, mais souffre également d’un manque de reconnaissance par les autres services, notamment par les fonctions transverses, qui quotidiennement travaillent de concert avec les achats. Ces fonctions transverses représentent « le client interne » de l’acheteur, et ce dernier dans la relation qu’il a avec l’interne et l’externe, éprouve un sentiment de « double complexes ». En effet, d’un coté il se sent tout puissant face aux fournisseurs, de l’autre coté, il se sent inférieur voire dévalorisé face aux clients internes…
Face à cette situation, les acheteurs cherchent à revaloriser leur statut au sein de l’organisation notamment en gagnant de la légitimité auprès des clients internes. Cette évolution consiste d’abord à se détacher du statut de « cost killer » caractérisé par les attributs de « négociateur », « réducteur de coûts »... Cela consiste ensuite à se créer un nouveau statut de « Business Partner » accompagnant les clients internes dans la gestion de la relation fournisseur. Pour atteindre ce statut de co-pilote ou de Business Partner, l’acheteur doit élargir le champ de compétences qu’il maîtrise, ou du moins qui lui sont reconnues. Plus que de simples réducteurs de coûts, le souhait des acheteurs aujourd’hui est d’apporter une valeur ajoutée à l’entreprise, en maîtrisant et en pilotant la relation client-fournisseurs, en pilotant également les politiques de changements, en s’insérant dans les projets dès la phase de conception, c'est-à-dire très en amont, et en captant l’innovation auprès des fournisseurs stratégiques.
« En effet, les acheteurs se targuent d’être en mesure d’apporter une certaine maîtrise dans la relation client-fournisseur. Ils prétendent pouvoir influencer aussi bien le client interne que le fournisseur afin de rendre la relation plus performante, plus objective, plus rationnelle. C’est donc en ayant une main mise sur le processus de contrôle de la relation client-fournisseur qu’ils se mettent « sur le devant de la scène ». Cette contribution montre ainsi que le contrôle joue un rôle majeur dans la réalité organisationnelle et sociale (Burchell et al., 1980). Si les acheteurs paraissent au premier abord « coincés » dans une image qui ne leur convient guère, ils tentent de s’en défaire en « prenant le contrôle » de la relation client-fournisseur.»
« Aujourd'hui, l'acheteur doit être chef de projet, savoir manager l'humain et ses fournisseurs, tout en jonglant avec les chiffres. Un rôle-clé que lui confère un contexte économique de plus en plus tendu où la maîtrise des coûts, et donc la recherche d'économies, est la préoccupation majeure des entreprises. Pour y parvenir, l'acheteur doit être créateur de valeur. Devenir un vrai » Business Partner » de ses clients internes et ne pas rester limité à son rôle de fonction support. Dans cette optique, l'acheteur de demain doit savoir manier à la fois les hard skills et les soft skills. »

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